Je suis arrivée à la conclusion que le couple d’aujourd’hui souhaite avoir une ambiance paisible à la maison, de la compréhension, de la communication et du partage ; mais aussi cette fonction de pare-excitation du monde extérieur, monde vu comme très éprouvant et stressant. L’accomplissement de ces attentes est censé conférer une stabilité et un confort au couple. Mais, ce n’est pas le seul besoin. Les conjoints attendent actuellement de trouver au sein du couple aussi une force stimulante et motrice. Les formes que celle-ci peuvent prendre restent très différentes, l’échangisme étant pour certains la solution. Les échangistes ne sont pas des pervers. Ils ont une vie tout à fait conventionnelle en ce qui concerne les autres aspects de la vie commune: « Les échangistes ne trahissent pas le grand idéal romantique du sexe lié à l’amour, mais ils en élargissent le concept jusqu’à faire participer d’autres couples à leurs jeux » ( Pasini, Willy, « Les nouveaux comportements sexuels », Ed. Odile Jacob, Paris, 2003, pp. 170 ).
Pour entrer plus en détails en ce qui concerne le rôle joué par la femme échangiste, j’ai développé quelques aspects liés à l’image comprise dans sa représentation sociale et notamment la femme « objet », la femme « victime », la femme « action », la femme « bisexuelle », la femme « nymphomane ». J’ai formulé l’hypothèse selon laquelle la femme échangiste est un sujet actif dans cette pratique, un facteur de décision, une personne qui érotise les échanges sexuelles avec plusieurs partenaires et pas un sujet passif, soumis et/ou contraint, a été à la base de ma recherche. Les conclusions auxquelles je suis arrivée s’appuient sur la revue de la littérature, mais aussi sur les résultats obtenus par la méthode utilisée ainsi que sur mes propres ressentis lors de l’observation directe.
J’ai eu des réponses plutôt positives par rapport à cette pratique, tout en étant consciente que les deux populations existent : les femmes – sujets actifs et les femmes – sujets passifs. Lors de mes entretiens, je n’ai pas pu mettre en évidence à aucun moment une soumission ressentie par les femmes interrogées. Je me demande si la dimension réduite de mon échantillon ainsi que la façon dont il a été choisi ont eu comme conséquence le fait que j’ai pu discuter seulement avec des femmes qui assument leur sexualité et leurs désirs. Je me questionne aussi par quels moyens j’aurais pu trouver des femmes prêtes à témoigner sur leur pratique échangiste alors qu’elles le font motivées par une quelconque contrainte ou pression. Peut-être que selon un mécanisme identique, il s’avère difficile aussi de trouver des femmes battues, prêtes à témoigner. Je me demande d’ailleurs comment en utilisant les mêmes méthodes que celles employées dans le présent travail, Daniel Weltzer-Lang a pu apporter des conclusions diamétralement opposées :
« Dans certaines de nos interviews de couples, nous pouvons entendre des pressions, parfois même du chantage du conjoint, et des hésitations, des pleurs et des peurs de la compagne qui, en définitive cède pour ne pas le perdre et/ou «pour lui faire plaisir».!!Les paroles des femmes interviewées seules! sont contrastées. On y trouve, comme dans les interviews de couples, des femmes qui accèdent et/ou cèdent aux demandes maritales. Par devoir conjugal, pour rester ensemble, pour faire plaisir…. ».
Il est intéressant d’apporter ici les résultats de la recherche IFOP sur les français et l’échangisme qui ne concordent pas tellement avec les conclusions émises par D. Weltzer- Lang : 35% des hommes en couple, contre 16% des femmes, accepteraient « un plan à quatre » si leur partenaire le leur suggérait. Pour les 10% de ces femmes, il s’agirait davantage de se faire plaisir que de faire plaisir à leur conjoint comme avaient répondu seulement 6% des interviewées. D’ailleurs Willy Pasini, dans le Magazine Psychologie en 2oo2 déclarait que : « Lorsqu’un couple échangiste se sépare, la femme réitère souvent cette pratique, l’homme, très rarement ». Cette réalité sera difficilement possible, d’après moi, si la femme ne trouvait pas une jouissance dans ce type d’échanges.
J’espère ne pas avoir donné l’impression d’une quelconque adoration vis-à-vis de cette pratique. C’est loin d’être vrai. L’échangisme a plein de « défauts » : manque de communication entre les pratiquants, interactions pauvres en sentiments et mystères, sexualité très codifiée et axée sur la génitalité, etc. Cependant, il représente pour beaucoup de femmes un choix plutôt assumé que subi, même si leur passage sur la « planète échangiste » peut ne pas durer longtemps à cause justement de ces « défauts ».
Ce mémoire m’a amené progressivement vers une autre problématique et notamment celle des couples polyamoureux. Je pense qu’il sera intéressant d’étudier si l’échangisme n’est pas une étape vers l’émergence des autres types de sexualités comme par exemple les amours plurielles. Christine Ley dans son livre « Voyage au pays de l’échangisme », mentionne très brièvement cette idée, qui mériterait un développement plus ample: « Si les hommes mènent les femmes à l’échangisme, les femmes mèneraient-elles les hommes aux amours plurielles ? » (Ley, Christine, « Voyage au pays de l’échangisme », Favre, 2003, pp. 198).
En conclusion, j’aimerais dire que le couple de nos jours est dans une constante évolution. Je considère qu’en tant qu’homme et en tant que femme, nous avons tous un rôle à jouer dans la définition des nouvelles représentations et de nouvelles formes de construction du couple, entité qui, à force d’évoluer, peut s’avérer dépassée… La seule crainte reste celle d’avoir encore des interdits à transgresser…!!!