Avant tout, j’aimerais remercier le photographe Bernard Landon pour ses magnifiques photos.
http://www.bernard-landon.ch/
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Le sujet de la sexualité, ainsi que le rôle joué par les femmes dans ce domaine m’intéresse depuis longtemps, bien avant de quitter le pays d’origine, la République de Moldavie pour étudier tout d’abord en France et ensuite en Suisse. Je me suis rendue compte qu’en dépit du fait que j’ai poursuivi des études supérieures et que je me suis forgée une certaine culture, je suis restée figée dans un rôle de genre bien ancré. J’avais le sentiment que je pouvais me sentir une femme émancipée, mais seulement après que les tâches ménagères aient été remplies… J’ai commencé à me poser des questions concernant le mariage, l’amour, le bonheur, et à un moment donné j’ai eu l’impression de manquer quelque chose, ce que j’avais appris (d’une façon plus ou moins consciente) par rapport à l’amour et aux buts de notre vie ne correspondait pas avec ce que je vivais. La société de consommation y était sûrement pour quelque chose. J’avais l’impression, comme dans les clips publicitaires qui nous sont livrés quotidiennement, que j’ai le droit et même le devoir de me sentir heureuse, aimée et pas forcement par une seule personne et pour toute la vie… Nous sommes tellement imprégnés par l’illusion qu’«il était une fois un prince charmant…» et qu’«ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », que cela programme nos vies pour la plupart d’entre nous.
C’est difficile de croire qu’il n’y a pas si longtemps, on considérait que seuls les hommes ont des fantasmes sexuels. Je m’imagine quelle pression à dû subir la fameuse Nancy Friday après avoir publié en 1973 le livre sur les fantasmes féminins : « My Secret Garden ». Le Dr Allan Fromme (qui est le mieux placé pour expliquer les fantasmes féminins qu’un homme ?) avait publié à cette époque un commentaire dans Cosmopolitan par rapport à ce livre : « Les femmes n’ont pas de fantasmes sexuels… La raison en est évidente : elles n’ont pas été éduquées à tirer plaisir de la sexualité… Les femmes sont en général dénuées d’imaginaire érotique » (Friday, Nancy, « L’empire des femmes. Les femmes ont changé. Elles confient leurs fantasmes sexuels », Ed. Albin Michel, Paris, 1993).
Je me demande d’où vient cette peur virulente qui a traversé les siècles, peur de laisser aux femmes la possibilité d’affirmer leur identité sexuelle… oui, nous n’avons pas encore dépassé ce stade de «laisser la possibilité» pour le remplacer par celui de «prendre la décision » d’affirmer son identité sexuelle. Nancy Friday apporte dans ce sens l’image de la Belle au bois dormant qui attend d’être « réveillée » par son prince charmant : « L’amère ironie de tout ce processus a voulu que nous-mêmes autorisions la société à nous considérer comme des « Belles au bois dormant », que seul le baiser d’un homme pouvait réveiller de leur léthargie sexuelle : un conte de fées fondateur, un mythe destiné à faire oublier que nous ne sommes pas endormies mais plus qu’éveillées, chaudes, affamées de sexe, prises d’un appétit tellement insatiable qu’il pourrait saper le système économique, l’éthique protestante du labeur, la discipline sociale, et laisser les hommes vidées, ramollis, tout simplement à notre merci » (Friday, Nancy, « L’empire des femmes. Les femmes ont changé. Elles confient leurs fantasmes sexuels », Ed. Albin Michel, Paris, 1993).
Les femmes des nos jours se questionnent, se cherchent et se trouvent ! (au moins dans certaines sociétés). Ces « nouvelles femmes » n’ont pas encore un modèle ou un schéma à suivre, elles doivent s’inventer over and over. La tache n’est pas facile et le chemin est long. Les femmes qui ont des besoins sexuels égaux aux hommes font « peur » et cette réalité change difficilement. Un homme avec un grand appétit sexuel est viril, une femme avec un grand appétit sexuel est « une pute ». A ce sujet, je ne peux pas m’empêcher d’évoquer l’exemple de la chanson humoristique de Fatal Bazooka « C’est une pute » 🙂 . Les artistes ont le talent de montrer du doigt certains faits de société, souvent bien mieux et plus simplement que les spécialistes:
« En déplaise aux puristes, la langue française demeure beaucoup trop machiste, rien n’a changé : Un gars c’est un jeune mec, et une garce c’est une pute.Un coureur c’est un joggeur et une coureuse c’est une pute. Un chauffeur il conduit l’bus et une chauffeuse c’est une pute. Un entraîneur c’est un coach sportif et une entraîneuse ben, c’est pute. Un homme à femme c’est un séducteur et une femme à homme c’est une pute. Un chien, un animal à quatre pattes, une chienne c’est une pute. Un cochon c’est un mec sale, une cochonne c’est une pute. Un salaud c’est un sale type, une salope, ben c’est une pute. Un allumeur ça allume le gaz, une allumeuse c’est une pute. Un masseur c’est un kiné, une masseuse c’est une pute. Un maître un instituteur, une maîtresse c’est une pute. Un homme facile c’est un gars sympa, une femme facile, ben c’est une pute. Un calculateur un matheux, une calculatrice c’est une pute » etc.

Notre société a passé de la valorisation de la femme soumise à celle de la femme désirante, cependant il y a encore une différence entre la femme désirante et la femme qui dissocie le sexe des sentiments. La première est valorisée à condition que son désir se manifeste par rapport à son partenaire légitime, tandis que la deuxième est à craindre car elle se rapproche d’une sexualité masculine, ou plutôt parce qu’elle n’entre pas (encore) dans nos scripts culturels acceptés: «Déjà que la sexualité féminine est annoncée comme un somptueux mystère pour les hommes ( « le continent noir » ! disait Sigmund Freud), si, en plus, la femme rechercherait la jouissance hors du sentiment ! » (Héril, Alain, « Journal d’un sexologue. Ce que veulent les femmes », Ed. Le courrier du livre, Paris, 2003).
En parlant de Sigmund Freud, il avait déjà remarqué que de nombreux hommes ne parviennent pas à aimer les femmes qu’ils désirent et qu’ils ne désirent pas les femmes qu’ils aiment : « presque toujours, l’homme se sent limité dans son activité sexuelle par le respect pour la femme et ne développe sa pleine puissance que lorsqu’il est en présence d’un objet sexuel rabaissé… » (Freud, Sigmund « Sur le plus général des rabaissements de la vie amoureuse », La vie sexuelle, Paris, Presses universitaires de France, 1920). Le même mécanisme n’est pas retrouvé chez la femme, elle ne semble pas avoir besoin d’une surestimation sexuelle ou d’un objet sexuel rabaissé. Pour Freud, ce mécanisme caractérisant la vie amoureuse de « l’homme civilisé » (qui est le rabaissement de l’objet sexuel), prend la forme de « l’interdit » dans le cas des femmes. C’est-à-dire que les femmes ont besoin que la sexualité leur soit interdite pour qu’elles se sentent pleinement satisfaites. On peut retrouver cette vision des choses aussi dans la théorie des scripts, seulement qu’elle s’applique à la sexualité en général. D’après Gagnon et Simon, la sexualité a besoin de contraintes, autrement elle entraine un désintérêt des hommes et des femmes par rapport à celle-ci.
D’autres auteurs, comme Claude Crépault remarquent aussi que les femmes ont une plus grande facilité à investir érotiquement leurs partenaires amoureux. C’est-à-dire qu’elles fusionnent plus facilement dans la même personne et les besoins érotiques ainsi que les sentiments amoureux. En revanche, elles ont du mal à vivre des expériences érotiques en dehors des relations affectives : « Ce n’est que dans le plus grand secret, dans leurs fantasmes les plus cachés, que la plupart des femmes oseront se diriger vers un érotisme entièrement dépourvu d’échanges affectifs »(Crépault, Claude, « La sexoanalyse », Paris, Editions Payot & Rivages, 1997).
Et effectivement, en parlant des fantasmes les plus cachés, Nancy Friday, dans son livre « L’empire des femmes. Les femmes ont changé. Elles confient leurs fantasmes sexuels », remarque que les femmes recourent à des fantasmes d’érotisme sans sentiments, justement pour se permettre une satisfaction dans ce sens, sans culpabilité : « Dans leur rêverie, les hommes étaient des étrangers sans visage, inventés par la femme afin qu’il ne soit pas même question après coup pour elle de s’impliquer, d’assumer une quelconque responsabilité, d’envisager une liaison. Ces mâles faisaient leur boulot, puis disparaissaient. Être baisée par un étranger sans visage renforçait encore le message : « Ce n’est pas de ma faute ! Je suis toujours une fille bien, Maman ! » ».
Sans considérer que toute activité fantasmatique entraine forcement une transposition dans la vie réelle et vice-versa, on remarque quand même des changements dans l’évolution de la sexualité féminine. Les femmes assument et partagent plus leurs fantasmes et actions.
D’après Willy Pasini, nous sommes passés actuellement à une nouvelle transition, la transition du couple romantique au couple « sensoriel » ou ce sont les femmes qui semblent diriger leur couples vers une quête de plus de sensations : « les femmes revendiquent donc beaucoup. Elles ont besoin de sécurité, de sentiment, mais elles veulent aussi pouvoir continuer à s’enrichir et à s’émouvoir avec leur partenaire»; «la femme contemporaine s’efforce d’impliquer l’homme dans une vie plus diversifiée, moins enfermée dans les règles de la société civilisée, alors qu’auparavant, c’était l’homme qui la poussait vers une sexualité plus libérée » (Pasini, Willy, « Les nouveaux comportements sexuels », Odile Jacob, Paris, 2003).
Se vede ca ai avut inspiratie. Super articolul. Mi-a placut 😉
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